I- Le Contexte général, le malaise dans la fonction publique
Depuis l’origine de l’organisation scientifique du travail (Taylor, Ford...) et ses évolutions récentes en mode projet, le management interne des fonctions publiques est toujours assis sur une posture de domination hiérarchique. Pourtant, un grand nombre d’études menées par des sociologues et ethnologues et reprises par les organisations syndicales démontrent que l’aspiration des agents de la fonction publique comme celle de l’ensemble des salariés a connu une forte évolution depuis les années 1970. Selon Joseph Carles, Maître de conférence à l’IEP de Toulouse et spécialisé dans le domaine du management stratégique des organisations publiques « Pour les postmodernes, les jeunes générations « ne veulent plus perdre leur vie à la gagner ». La réalisation ne peut pas se limiter à la seule réussite sociale, il faut réussir ses vies et non sa vie limitée au travail. »
Notre pays comprend cinq millions de fonctionnaires, dont 1 millions 6 de fonctionnaires territoriaux qui assurent les missions de service public essentielles à la société, mais les hommes et les femmes qui occupent ces postes sont désignés aujourd’hui comme les parfaits boucs émissaires d’un contexte économique mondial justifiant ainsi des mesures prises par les employeurs publics et provoquant de nouveaux maux liés au travail (accidents, maladies professionnelles, violences, harcèlements, stress…).
Malgré la déplorable absence d’une étude globale traitant de façon spécifique les conditions de travail des agents de la fonction publique, de nombreuses associations et des experts en management nous alertent périodiquement sur la nécessité de prendre en compte la connaissance de situations croissantes de détresse extrême et de plusieurs suicides intervenus dans la fonction publique d’Etat, celle des collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière.
Cette situation est en effet accentuée pour les agents des administrations publiques car ils ne sont pas régis par le Code du travail et les conventions collectives mais par une situation statutaire, complexe et très diverse. En contrepartie de leur sécurité sur la perte d’emploi, ils sont soumis à un ensemble de droits et d’obligations qui les empêchent d’accéder à une véritable protection juridique en cas de conflit avec leur employeur ou un collègue supérieur. Ils sont en effet parfois soumis à des mesures individuelles contestables mais sous l’emprise du pouvoir hiérarchique et des obligations d’obéissance et de réserve.
Les fonctionnaires ne peuvent donc s’adresser ni à l’inspection du travail, ni au conseil des prud’hommes mais uniquement au tribunal administratif, et à la suite d’un recours préalable à son employeur, en apportant des preuves sérieuses à des magistrats qui ne sont pas formés aux problèmes de management.
Comme cela a été souligné en début de ce propos, le management doit s’appuyer désormais sur des valeurs d’égalitarisme et de consensus.
II-Le sens de mon livre « fonctionnaire malgré moi », un « coup de gueule »
Cadre supérieur, employé dans la fonction publique territoriale depuis trente ans, j’y révèle des dysfonctionnements liés à la hiérarchie des pouvoirs, mais je me veux aussi pédagogique en matière de déroulement de carrière.
Autodidacte, n’ayant réalisé aucunes études, j’ai démarré ma carrière au bas de l’échelle pour gravir, un à un, grâce aux concours, les échelons et les grades pour atteindre « le haut de la pyramide ». Illusions et désillusions parsèmeront mon parcours. Trahisons et jalousies s’accentueront dans un monde du travail souvent inconnu, en proximité avec des élus.
Je connaîtrais les honneurs mais aussi des descentes aux enfers jusqu’à subir des actes d’harcèlement moral, des mises au placard et des menaces disciplinaires.
Sans complaisances mais de façon objective, je décris les situations auxquelles j’ai été exposées, de façon chronologique, sans prendre réellement parti, comme les fonctionnaires sont habitués à le faire. Mon but est de témoigner sur ce qui me semble aujourd’hui très courant dans les organisations du travail, les relations de travail conflictuelles en raison des positionnements dominants. Je veux démontrer que le travail d’équipe et de collaboration prônée par les nouvelles méthodes managériales ne sont qu’un leurre afin d’assurer un pouvoir hiérarchique et concentré sur un minimum de personnes.
Fonctionnaires territoriaux, agents hospitaliers et de l’Etat pourront donc s’y retrouver dans la description de ce livre ainsi que les personnes désireuses de découvrir un fonctionnement interne d’une profession rarement dévoilé.
Avec cet ouvrage, je souhaite participer à la réflexion qui me semble nécessaire pour changer en profondeur les pratiques managériales dans la fonction publique jusqu’alors assises sur une posture de domination hiérarchique « à la française » qui peuvent se retrouver dans les mains de personnes irresponsables sur le plan des compétences. Je souhaite privilégier la recherche du consensus afin d’éviter les conflits et les conséquences qui peuvent pousser parfois jusqu’au suicide des fonctionnaires injustement traités en raison de leur statut qui les oblige au devoir de réserve et qui ne bénéficie donc d’aucune protection juridique réelle et facilement accessible.
Je souhaite aussi faire connaître davantage les contraintes des fonctionnaires afin de modifier l’image un peu trop facile de privilégiés qui prédomine dans l’opinion.
Le livre est paru aux Editions Baudelaire, 11, Cours Vitton, 69452 Lyon Cedex 06, et il est en vente également sur Internet sur les principaux sites (Amazon.fr/Fnac.fr/Chapitre.fr…).
III-Ma proposition : l’adoption d’une chartre managériale dans la fonction publique
Ainsi, telle une thérapie de groupe, cet ouvrage a pour ambition de mettre en exergue des pratiques managériales qu’il faut modifier mais aussi de donner un espoir aux personnes qui souffrent dans leur travail. Je leur conseille vivement de prendre du recul vis-à-vis des évènements qui peuvent leur créer une déstabilisation professionnelle et leur dire que s’ils persévèrent ils trouveront une autre issue favorable pour leur bien-être en adoptant une prise de hauteur, en relativisant et en s’écartant des personnes nuisibles qui finalement vous rendent service car ils vous poussent à sortir bien souvent de votre propre condition d’existence qui n’est pas la vôtre.
J’ai voulu également démontrer que la méritocratie prônée par notre société d’aujourd’hui, à laquelle sont confrontés les fonctionnaires par la nécessité de réussir aux concours et examens professionnels, ne pèse pas lourd face au prosélytisme, au mode de management assis sur le pouvoir hiérarchique et aux luttes internes du pouvoir qui prédominent dans la fonction publique et dans la sphère des élus locaux.
Nos formations professionnelles et nos engagements personnels dans la sphère publique, nous placent, plus que quiconque, sur le chemin de l’évolution de notre société, sans que nous méconnaissions les problématiques qui se posent à la fonction publique face à la mondialisation. Or, le discours dominant tente à faire croire que nous sommes aveugles, voir résistants aux défis du monde moderne. Il n’en est rien ! Le dynamisme requis et les performances exigées ne sont tout simplement pas assignés par les politiques, pour des raisons évidentes de clientélisme et de contrôle du pouvoir, exception faîte des élus réformateurs qui heureusement commencent à nous diriger timidement. C’est donc une question de management des personnels qui est posée.
Dans la tourmente des réformes qui s’engagent, pourquoi ne dénonce-t-on pas l’absence totale de structure de médiation et de systèmes de contre-pouvoir dans la fonction publique ?
Avec ce récit autobiographique, j’ai souhaité enfin faire connaître au grand public l’envers du décor du métier de fonctionnaire en dévoilant des pratiques managériales sans doute favorisées par leur statut qu’il conviendrait de faire progresser.
Pour y parvenir, et sous l’égide du nouveau gouvernement qui sera aux responsabilités en Mai 2012, il serait souhaitable que nos représentants des élus et des agents, accompagnés d’experts en management, se rencontrent autour d’une table pour parvenir à faire adopter une chartre managériale dans la fonction publique qui aurait pour fondation la reconnaissance des savoirs et des compétences des fonctionnaires dans un cadre juridique et managérial plus adapté.
A l’épreuve de la crise qui nous traverse, les « clefs du changement » si chères à Roger Fauroux et Bernard Spitz dans leur ouvrage « Notre Etat » ne pourraient-elles pas provenir de la reconnaissance de l’énorme richesse humaine que constitue la fonction publique, en grande partie « gaspillée » par des relations dominantes n’ayant aucun intérêt pour la collectivité ?
Plus proches des citoyens que les politiques, les fonctionnaires vivent un certain « malaise » d’être « freinés » dans leurs aspirations de servir la population.
Oui je crois en une fonction publique moderne et efficace. Mais à la condition que les gouvernants lui donnent les moyens d’agir, ce qui jusqu’alors est loin d’être le cas.
Oui je crois en une fonction publique moderne et efficace. Mais à la condition que les gouvernants lui donnent les moyens d’agir, ce qui jusqu’alors est loin d’être le cas.